Marie Susini nous présente une Corse de la moitié du XXe siècle, mesquine et provinciale, qui ne voit de salut pour sa population qu´a l´exil volontaire. Le personnage central, la victime, celle qui survit à tous par sa mort et par sa faiblesse est une Normande, Sylvie, qui représente les moeurs et le monde du Continent. Tandis que Mérimée situe l´action de sa nouvelle au milieu du IXe siècle, dans une Corse que se francise et qui représente encore l´exotisme de l´outre-mer "italien" pour les Pinzutti, tous les personnages principaux de l´auteur parisien viennent de Paris ou de Londres, exception faite à l´héroïne, Colomba, aussi attachée à sa Corse natale que l´héroïne de Susini à sa Normandie. Les personnages de Mérimée, quoique façonnés comme des "sauvages" italinisants, sont fiers et forts, au contraire de ceux que viennent de Paris ou de Londres, des gentilhommes et des mariechantals gâtées. La Corse de Susini est un pays arriéré qui se situe au bout de France et qui ne suit pas le progrès de l´Europe, par contre celle de Mérimée est une île romantique et exotique où les grands sentiments peuvent encore avoir lieu.
Sylvie meurt en Corse, tel un bouc émissaire, un Jésus Christ en jupe, c´est la "donzelle" sacrifiée, qui exhausse les voeux de la communauté du village corse de se voir débarassée de cette intruse, qu´ils ne comprennent pas et qui est venue, par effet de comparaison, faire réhausser la méchanceté et le monde borné d´un village dans une campagne bùlante, éloignée et entourée par la mer. Colomba, amazone guerrière, vainct le combat contre l´invasion culturelle de son frère et de ses amis anglais. par l´astuce et l´intelligence, par son identité nationale insdestructible. Elle part de Corse, vengée, victorieuse, radieuse, pour mener une vie de donzelle raffinée en Italie.
Marie Susini était Corse et Sylvie, son héroïne, venait du Continent. Prosper Mérimée venait du Continent et son héroïne, Colomba, était Corse. Il y a toujours une force qui nous pousse á idéaliser l´autre, à valoriser le dépaysement, parce que notre réalité, on la connaît trop bien, avec tous les maux infimes ou importants qui jalonnent la vie réelle.
de Luiz Fernando Gaffrée Thompson
"Très intéressante votre présentation comparative entre deux auteurs situant leur roman dans le même cadre géographique de la Corse à des époques très différentes. Malgré l'écart temporel, on lit en effet dans les deux oeuvres une même approche tourmentée de l'île vécue comme une terre de survivance de pratiques et de sentiments qui font son exception. "La renfermée, la Corse", écrivait Marie Susini de la terre où elle repose pour toujours : elle est sans doute aussi la "renfermante", un tabernacle, souvent jusqu'à l'absurde, de valeurs à elle parvenue en droite ligne de l'Antiquité : honneur du clan, justice personnelle, respect des siens, fidélité à la parole donnée, hospitalité ... Face à l'âpreté de la vie qu'engendre le respect de telles valeurs et à l’ingratitude de sa terre, il y a toujours un ailleurs ressenti comme prometteur, un continent moderne où s'exiler. Un continent d'exil français après avoir été italien, voire d'Afrique du Nord. Un endroit de vie plus facile, où la parole et l'usage se délient de l'exigence insulaire. Un endroit aux frontières plus floues, mais aussi, et par opposition, un endroit ressenti comme un lieu où la nature profonde de l'être corse se corrompt et se perd définitivement dans une masse moderne. C'est la conscience de cet abandon, c'est l'opposition entre l'accès à la modernité et le respect de sa propre identité, c'est ce dilemme exagéré entre l'adaptation et la trahison, et les situations qui en découlent, que mettent à mon avis en scène les deux ouvrages."
de Charles Susini
Ta conclusion est frappée au coin du bon sens... l'attrait de l'exotisme est lié à une projection de nos frustrations et de nos aspirations sur l'Autre, constitué en Négatif de tout ce que l'on rejette chez soi...
de Françoise Derré.
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