A minha vida imita a minha arte

Espero que gostem
das nossas imitações
colocadas em palavras
virgulando, reticenciando
Nossos mergulhos
Nessa loucura chamada
Pensamento

Luciana Gaffrée

domingo, 6 de maio de 2012

1000 idées pour la Corse - Les présidentielles 2012

25% pour la Marine, et ça n’en finit plus de s’étriper sur tous les réseaux sociaux. Après avoir lutté brillamment contre papa Le Pen dans les années 90, les Corses seraient-ils finalement passés du côté obscur ? Et si le résultat de cette élection n’était finalement pas un problème, mais plutôt l’espoir que la prise de conscience est en marche. Ou si la seule attitude devant tout ça était finalement d’en rire, tant un tel événement était finalement prévisible, et ne constitue à l’évidence pas le fond du problème ? Parce que s’il faut pleurer, aujourd’hui, ce n’est certainement pas du score du Front National. Et gardons-nous bien de considérer que les électeurs de Le Pen sont des imbéciles. Il se peut même que pour une bonne part d’entre eux, ils soient plus lucides que la moyenne. Une lucidité qui tient plus à l’intuition qu’à l’analyse, et qui ne les conduit pas forcément au bon choix (existait-il dimanche un bon choix ?), mais certainement pas, pour nombre d’entre eux, quoi que ce soit qu’on puisse assimiler à du fascisme. Bon, pour être franc, y’a pas mal de bêtise qui traine en ce moment dans les discussions. Du racisme, bête, primaire, comme est le racisme. On a beaucoup de mal en Corse à saisir l’origine du malaise qui nous prend à la gorge, alors, on cherche un bouc émissaire. Faut dire que c’est pas simple, et il est plus facile de stigmatiser les étrangers que de saisir exactement le fond du problème, mais faut bien reconnaître que d’un bout à l’autre du spectre politique, personne n’est capable de mener une véritable analyse de ce qu’il se passe en Corse depuis 10 ans.

Mais au fait, il vient d’où, le malaise de la Corse ?

Les étrangers n’y sont pour rien Ça me surprend moi-même, mais quand on va chercher les statistiques du nombre d’étrangers en général, et de maghrébins en particulier pour la Corse, le résultat est sans appel : leur nombre est stable depuis 15 ans : 25 000, et, du fait de l’augmentation rapide de la population, leur proportion dans ladite population a baissé, de 10% environ à 8%, dont 5% environ pour la population maghrébine. Pourtant, le sentiment d’invasion étrangère est présent dans nombre de conversations.

Alors quoi ?

Une première explication tient à mon avis à l’ambiance générale de guerre de civilisations gentiment instillée par le bloc atlantiste. Vous savez, ces méchants barbus qui tiennent à égorger tous les infidèles avec des couteaux rouillés et à poser leurs minarets partout dans nos paysages. Bon, il se trouve que, si guerre de civilisations il y a, ce sont les occidentaux qui l’ont déclenchée, en allant bombarder Irakiens, Afghans ou Libyens… Et que la partie adverse manque un peu de punch : l’abominable affaire Merah reste en 17 ans la seule exaction imputable à des islamistes en France. Encore faut-il une bonne dose de paranoïa pour voir dans l’œuvre de ce taré l’action d’un réseau structuré et susceptible de multiplier les actions. Une seconde explication tient simplement à l’attitude des populations étrangères et d’origine étrangère en Corse. Là où la première génération faisait profil bas et s’installait dans des cabanons au milieu des exploitations agricoles, les générations suivantes se laissent moins marcher sur les pieds et ont investi certains quartiers des grandes villes. Quartiers que les Corses ont largement désertés pour des zones pavillonnaires périurbaines. Et voilà que ces immigrés et descendants d’immigrés se retrouvent majoritaires dans ces quartiers, et ont conservé des solidarités que les Corses éclatés dans leurs villas avec piscine ont perdues. Les musulmans ? (ajouté suite à quelques remarques) Les musulmans en Corse sont plus nombreux que les étrangers : 42 000 environ, soit 13% de la population.

Pourquoi ?

Simplement parce que la majorité d’entre eux est née en Corse et est de nationalité française. Ce sont les deuxième et troisième générations. Leur population augmente probablement, car ils ont tendance à faire plus d’enfants que la moyenne des Corses, mais ce n’est pas l’afflux de nouveaux immigrés qui fait croître cette population, nous avons vu qu’il est très faible. Difficile d’avoir des statistiques fiables à ce sujet, les musulmans n’étant pas une catégorie étudiée par l’Insee, mais la part de musulmans dans la société corse est probablement stable ou en légère baisse, dans une population globale qui augmente vite. Il est probable en revanche que leur visibilité dans la société augmente. Notamment, ils réclament aujourd’hui plus de lieux de culte que jamais. Est-ce un signe de radicalisation ?

Peut-être. Peut-être aussi, plus simplement, les nouvelles générations, qui sont de nationalité française et se sentent pleinement Corses, parce qu’ils sont nés ici, sont-elles plus revendicatives que leurs parents : ils exigent de meilleurs logements, de meilleurs emplois, et, pour ceux d’entre eux pour lesquels la religion est importante, plus de lieux de culte. Il faut dire que ces lieux de culte sont très peu nombreux en Corse, une quinzaine en 2011, et précaires. Si les musulmans de Corse sont de plus en plus visibles, malgré une proportion stable dans la population, n’est-ce pas, tout simplement, parce que ces musulmans sont devenus… Corses ? Ce qui n’interdit pas évidemment de combattre les intégristes qui existent sans doute parmi eux, mais c’est une autre affaire. Le point fondamental est que, démographiquement, nous sommes loin d’une invasion étrangère et / ou musulmane. L’individualisme, faut voir Tiens, allons voir un peu les résultats bleu marine dans les communes où ces quartiers pavillonnaires ont fleuri… A Piazzetta nous a fait le travail pour le sud de Bastia : Biguglia 31,5%, Furiani 30%, Lucciana 32,2%… Pas mal. Pire encore dans certains villages isolés. Pas de quoi tirer des conclusions définitives, mais un premier indice que l’isolement conduit à des pratiques électorales extrêmes. L’atomisation de la société se voit sur le territoire. La maison individuelle entourée d’une jolie haie est devenue la norme. On pourrait se dire que de la haie qui sépare de l’autre à la haine de l’autre, il n’y a pas loin. En tout cas, j’ai beau regarder, ce ne sont pas les minarets qui défigurent la Corse…

Les inégalités, c’est probable Le vote Le Pen a explosé en Corse depuis 10 ans. En 2002, il était inférieur à la moyenne nationale. Ce qui a parallèlement explosé en Corse, ce sont les inégalités. La Corse a connu une phase d’expansion économique importante dans les années 2000, basée bien entendu sur le tourisme, le bâtiment qui y est associé, et un âge d’or des travaux publics lié au programme exceptionnel d’investissement. A partir de 2008, la crise a ralenti cette expansion, mais le tourisme et le BTP ont continué à bien se porter. Ce qui a surtout porté cette période de croissance, c’est la bulle immobilière française : des millions de propriétaires dans les grandes villes françaises ont réalisé d’importantes plus-values immobilières et se sont retrouvés avec des sommes considérables, qu’un nombre non négligeable d’entre eux a réinvesti sous forme de résidences secondaires en Corse. Déjà élevé, le coût du logement en Corse a doublé, et le prix du foncier a été multiplié par 15. De nombreux Corses se sont retrouvés millionnaires quasiment du jour au lendemain, quand le champ de cailloux de babbò est passé constructible. D’autres ont pu vendre leur terrain agricole ou la maison du village à des montants inespérés. Avec les entrepreneurs du tourisme et du BTP (ce sont d’ailleurs souvent les mêmes), ils sont les grands gagnants des 10 dernières années, puisque la valeur de leur patrimoine a au moins doublé (centuplé pour certains), et que leurs affaires ont été florissantes. Pour les autres, ceux qui n’ont pas eu la chance d’hériter, l’effort nécessaire à se loger est devenu insoutenable. On parle souvent du prix élevé des produits de consommation en Corse (+20% environ en grandes surfaces), mais le surcoût lié au logement, en comparaison avec des régions non touristiques aux salaires et au PIB comparables, est de l’ordre de 50 à 100%. Si on y ajoute le coût du transport, très important sur l’île, cela devient exorbitant, même pour les classes moyennes. La Corse se retrouve plus que jamais coupée en deux, entre population aisée détentrice d’un des plus grands parcs de voitures de luxe de France (rapporté à la population), et population pauvre subissant la multiple peine de salaires faibles, de contrats saisonniers, de loyers élevés, de prix de l’immobilier inabordables, et du spectacle quotidien de la richesse insolente étalée devant elle. Etat de droit, mon cul Si ça ne suffisait pas à nous énerver, voilà que les mêmes puissants qui friment derrière leurs vitres fumées se moquent de la loi, privatisant les plages, changeant les règlements à leur profit, plastiquant les élus récalcitrants, et obtenant même de l’Etat des passe-droits, sous forme de permis de construire en zone inconstructible (l’état est le plus gros délinquant en Corse aujourd’hui), ou tout simplement de manque de volonté manifeste à résoudre les affaires criminelles auxquelles il a lui-même fourni le terreau. Avec 10 fois plus d’homicides par habitant que la moyenne nationale, la Corse fait bien rire (oui, on a pris le parti d’en rire, aujourd’hui) les experts en criminalités. Nos voisins Siciliens, un état faible, une tradition criminelle autrement plus importante que la nôtre, connaissent à peu près le même nombre d’homicides que la Corse. Mais pour 20 fois plus d’habitants ! Il ne faudrait que quelques mois à un état déterminé pour éradiquer le crime en Corse, rétablir l’état de droit, dans cette population de 300 000 habitants.

Colonisation de fait Je n’aime pas reprendre le vocabulaire et la rhétorique nationalistes, mais les faits sont là. La population de la Corse progresse rapidement, de 3 à 4000 habitants par an. Et ce n’est pas dû au solde naturel, qui est quasiment nul, mais au solde migratoire. Dont on a vu qu’il ne provient pas de l’étranger, mais bien de France. Et sachant qu’un nombre non négligeable de Corses (de gens qui habitaient en Corse, quelle que soit leur origine) quittent l’île chaque année, on peut estimer à 5000 environ le nombre de nouveaux arrivants, dont environ 40% de retraités. Certains d’entre eux sont d’ailleurs d’origine Corse, mais la majorité n’avait aucun lien avec l’île avant de s’y installer. Posant bien entendu un problème d’identité, les Corses (d’origine, de souche, appelez ça comme vous voudrez) se sentant peu à peu noyés dans la masse, et dépossédés de leur terre (qu’une fraction non négligeable d’entre eux n’hésite pas à vendre au prix fort – au moins, on ne pourra pas dire qu’on a bradé notre île, on l’a bien vendue, au contraire). Mais aussi un problème social. On sait que de nombreux diplômés corses quittent l’île, faute d’y trouver des perspectives de carrière satisfaisante (environ 50% des diplômés de l’université partent, auxquels il faut rajouter les bacheliers qui s’exilent dès les classes préparatoires), et on sait aussi que ce sont généralement les classes sociales les plus aisées qui sont les plus mobiles. Symétriquement, les arrivants sont eux aussi plus aisés et plus diplômés que la moyenne, et aussi sans doute plus courageux et entreprenant (il faut une certaine dose de courage pour venir tenter sa chance dans une île à la réputation sulfureuse comme la Corse).

De fait, le résultat est là : les nouveaux arrivants sont de niveau socio-culturel bien supérieur à celui de la population générale, affichent souvent une réussite insolente, en ce qui concerne les actifs, et arrivent porteurs de capitaux importants, surtout en ce qui concerne les retraités. Les actifs entreprennent massivement dans des secteurs auxquels les Corses ne croient pas. Le secteur de l’agriculture biologique en est un exemple frappant. Les Corses y sont nettement minoritaires. Peuple corse, tu parles Au final, le “peuple corse” se divise en au moins trois catégories principales : les Corses présents de longue date et aisés ; les Corses présents de longue date et pauvres ; et les nouveaux arrivants. La première catégorie étale sa richesse mais ne se sent pas très fière. Elle a parfois gagné son opulence par un travail remarquable, mais le plus souvent, elle a simplement profité sans talent de la manne touristique et foncière. Elle a saccagé son propre territoire, l’a vendu souvent. Elle y a construit des villas prétentieuses où elle organise, en short et tongs, des barbecues le dimanche, en se félicitant de vivre sous un si beau ciel. Ses enfants noient leur sentiment d’inutilité dans la cocaïne et finissent bruyamment sur leurs quads de massacrer le paysage. Elle invoque souvent le peuple corse, mais n’hésite pas à exploiter ses employés corses, ou à leur louer des taudis à prix d’or. La fraction pauvre des Corses fait ce qu’elle peut pour s’en sortir. Elle désespère, se réfugie parfois dans la violence, mais même l’espoir d’un avenir meilleur par la lutte lui a été enlevé. Elle jalouse les autres, et, entre nous, elle n’a pas tort. Les immigrés de l’étranger, qui sont pour la plupart en Corse depuis longtemps, font partie de cette catégorie sans y être acceptés. Presque tous ont pour avenir désigné d’être les servants des autres, les riches Corses d’aujourd’hui et de demain. Ils feront le ménage, le jardin ou la toilette des riches retraités de la côte, mais leur retraite à eux leur permettra à peine de survivre. Les nouveaux arrivants ne se posent pas tant de questions, les plus vieux se contentent de couler une retraite bronzée et les plus jeunes entreprennent, simplement, mettent en œuvre des idées que les Corses n’ont pas eues. Ils ne voient pas le séisme qu’ils sont en train de provoquer, ils ont le droit pour eux, des moyens financiers et un bon niveau socio-culturel. Ils aiment la Corse, prennent des cours de Corse, mais se mélangent très peu aux Corses de plus longue date, dont ils détestent le côté tueur de sangliers sans éducation, et qui ne les aiment pas tellement non plus. Il n’y a rien à leur reprocher, si ce n’est d’être potentiellement beaucoup plus nombreux que nous, des millions à rêver de soleil, de mer et de montagne. En fait, s’il y a un trait commun à tout ce monde, c’est que l’individualisme a gagné partout, que quasiment plus personne ne cherche à construire quoi que ce soit de collectif, et surtout pas un avenir. Qu’on ne me parle plus de peuple corse tant que des Corses vivront dans des taudis que leur louent à prix d’or d’autres Corses, tans que des Corses en exploiteront d’autres et que l’argent comptera plus que la dignité. Tant que nous serons l’une des régions du monde occidental où les inégalités sont les plus fortes. La consommation a vaincu la production Le 8ème numéro de la revue Fora ! en dressait le constat. La Corse n’est plus qu’un lieu de consommation. On ne produit presque rien sur cette île. On vend la terre pour acheter des 4×4 et des villas avec piscine, on vend son âme pour une place au conseil général, on vend tout ce qui est monnayable pour participer à l’orgie mondiale de consommation, notre patrimoine, notre culture, notre soleil, nos oursins…

Mais produire, il en est assez peu question. D’ailleurs, le voudrait-on, que nous serions bien emmerdés. Pas tellement d’infrastructures destinées à autre chose que le tourisme. Pas tellement de possibilités d’accéder au foncier, à l’immobilier commercial. Beaucoup trop cher, mon fils, tu ne veux pas plutôt vendre des poulets rôtis sur le bord de la route ? Pas facile de lutter contre les monopoles établis, contre l’autre qui n’a pas tellement de talent ni d’idées mais qui a le local ou le terrain. Vide culturel Je me suis déjà exprimé longuement sur la culture. Le problème va bien au-delà de notre identité ou de la langue corse. Nous ne sauverons de toute façon rien de la culture corse si la société corse s’effondre. Et c’est une culture citoyenne qui nous fait le plus cruellement défaut (à nous, Corses, comme à tous les autres). Nous sommes en train de perdre la démocratie, et nous indigner ne suffit pas, il faut en plus faire un vrai travail de reconstruction sociétale. Ca ne sert à rien d’en vouloir au thermomètre La société corse craque de partout. Si on a pu croire un temps que nous allions accéder à un développement harmonieux, plus personne n’est dupe.

Et la crise pointe sérieusement le bout de son nez. Que se passera-t-il si le moteur touristique cahote, si le nombre de fonctionnaires continue de diminuer, si les nouveaux retraités sont de plus en plus pauvres ? La valeur du patrimoine des plus riches pourrait s’effondrer, ce qui ramènerait un peu d’égalité, mais au prix de quelle misère générale ?

Le développement de la Corse est tout sauf durable. Économiquement instable, socialement inéquitable, écologiquement irresponsable. Et les Corses, tous les Corses, ceux qui ont des racines ici et ceux qui n’en ont pas, commencent à le comprendre. Et ils le montrent en votant bleu marine. Et alors ? Il n’y a qu’une seule chose à faire aujourd’hui : s’engager dans un vrai travail de riacquistu, qui ne s’arrête pas à ce que nous nommons aujourd’hui culture (la langue, les arts, l’histoire, le patrimoine…), mais qui fasse enfin le vrai travail de ré-acquisition des bases de ce qu’est la culture : l’ensemble des savoirs, savoir-faire et savoir-être qui permettent de se positionner dans le monde, d’y survivre et de vivre ensemble. Ce travail ne pouvant passer que par l’action concrète collective. Il nous faut réapprendre à vivre ensemble, à travailler ensemble, à imaginer l’avenir ensemble.

En attendant, contentons-nous de faire ce que nous savons le mieux faire en Corse : en rire, parce qu’après tout, il ne s’est rien passé de grave dimanche. Rien de plus grave en tout cas que ce qu’il se passait déjà

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